Ceux d'entre vous qui connaissent feu le projet LibreCalc connaîtront aussi le principe. Force est de reconnaître que les calculatrices graphiques d'aujourd'hui se ressemblent d'année en année, et le matériel a du retard technologique sur, par exemple, les smartphones. En plus les logiciels ne sont pas libres (vous savez qu'on aime le libre sur Planète Casio). Alors peut-on faire mieux ? La réponse est oui !

Dans le cadre d'un projet de master à l'ENS de Lyon, un ancien utilisateur d'Omnimaga et moi avons lancé l'idée de construire une calculatrice graphique formelle libre. C'est ainsi que notre projet Symbolibre a fait travailler 25 élèves de Master pendant un an. L'année touche à sa fin mais le projet continue en-dehors des cours pour mener la conception à terme. Voyons ensemble ce qu'on a réussi à accomplir en un an !


À quelques broutilles près ça donne ça.

Matériel

À une ère moderne sied du matériel moderne ! Oublions les 512k de RAM que l'on a l'habitude d'utiliser pour les add-ins, notre ordinateur de bord est un Raspberry Pi Zero avec un processeur ARM à 1 GHz et 512M de RAM. Autant dire qu'il y a de la puissance de calcul sous le capot ! Ce Raspberry Pi n'a pas de fonctionnalités réseau, ce que le rend utilisable même en mode examen.

À cela nous joignons un écran couleur 320×240 connecté en SPI (pour économiser les pins pour le clavier), un clavier personnalisé imprimé sur un PCB agencé de façon hiérarchique à la Numworks, une batterie de 2000 mAh pour environ 20 heures d'autonomie écran allumé, et une coque imprimée en 3D. Les boutons sont aussi imprimés en 3D


Écran, Raspberry Pi Zero, batterie, et l'on aperçoit l'interface d'alimentation.

Système d'exploitation

Pas question d'en réécrire un de zéro, on tourne donc sous un bon vieux GNU/Linux, Gentoo pour être précis. On l'accompagne de Wayland avec pour l'instant Sway comme compositeur, même si ce n'est pas définitif ; et les applications sont développées avec Qt. Tout cela s'installe aisément sur une carte SD de 8 Go tout en laissant la majorité de l'espace disponible pour d'autres données. Beaucoup d'autres données.

L'idée est que l'environnement doit être le plus léger possible pour que la calculatrice soit très réactive. Linux nous aide beaucoup à monter le logiciel (notamment avec les drivers de l'écran et du clavier), mais il y a tout une suite qui vient avec et qu'il faut contrôler. Actuellement la calculatrice met 25 secondes environ à démarrer, un poil plus que les toutes nouvelles TI-Nspire II CX et CX CAS. Le système se lance sur un écran Plymouth suivi d'une connexion automatique à l'environnement graphique et l'affichage du menu principal.

Applications

Les applications sont donc développées en C++ avec Qt, et embarquent Giac comme moteur de calcul formel (le même que sur la HP Prime !). Les programmes servent surtout d'interfaces graphiques pour accéder aux fonctionnalités mathématiques, que l'on ne recode pas. Giac le fait déjà et très bien ! On peut voir ça dans cette capture de la feuille de calcul prise sur un PC.


Feuille de calcul avec clavier simulé ; jusque-là, pas d'erreur de maths.
On a également une application de tracé de fonctions (un indispensable du lycée), qui exploite allègrement l'écran couleur et les performances du Raspberry Pi Zero. Elle affiche sans pression plusieurs courbes en résolution complète et en couleur, de façon parfaitement fluide !


Tracé de trois fonctions sur la calculatrice.
Enfin, et pas des moindres, il y a un IDE supportant Python 3 et tous ses modules, ainsi que des restrictions du Basic Casio et TI-Basic ! L'interface minimale cache une coloration syntaxique, insertion automatique de snippets et exécution dans un terminal. Tout est fait pour programmer aisément.


Alors où est-ce qu'on va ?

Le prototype que je vous ai montré au début de cet article n'est que le début du projet. Comme vous pouvez le voir, la calculatrice n'est pas encore complète. Les défis ont cependant été relevés, et après un an, nous espérons bien concrétiser ce projet et diffuser la calculatrice !

Comme le veut la tradition des projets d'informatique à l'ENS de Lyon, la calculatrice sera présentée lors de la deuxième partie des présentations de projets à l'ENS de Lyon, le Jeudi 4 Avril de 9 heures à 10 heures (il y a deux groupes, nous passons sur la deuxième moitié). Divers professeurs, chercheurs de l'ENS, étudiants ou lycéens seront présents ; si vous vous embêtez un Jeudi matin n'hésitez pas à passer nous voir !

Vous retrouverez tous les détails (et plus, comme notre sondage posé à des lycéens !) sur notre site web symbolibre.org. Stay tuned!